« Mon coeur est à l’Est et moi je suis à l’Ouest » Yehouda Halevy
Lorsqu’on prend la décision d’immigrer et que l’on est en processus de recherche d’emploi, l’énergie est mise sur le concret et l’adaptation. Il nous faut trouver la force d’avancer pour s’intégrer, inutile de regarder en arrière. Pourtant, c’est un thème très présent dans les groupes de recherche d’emploi pour les nouveaux immigrants (PANI). L’immigrant ressent parfois cette vague douce-amère de nostalgie envers son pays d’origine, qui vient puis se retire… Évidemment, chaque parcours est différent, mais il est important d’en parler pour normaliser ce sentiment que l’on cherche parfois à cacher au fond de soi et qui pourtant est intrinsèquement fondamental.
Quand on pose la question : « Qu’est-ce qui vous manque le plus de votre pays? »
Les premières réponses fusent, ce sont les amis, la famille, ces proches que l’on a laissés là-bas. Puis avec un sourire aux lèvres, ils me confient qu’ils s’ennuient de leur nourriture, « ah les délicieux pupusas! », de l’odeur de la nature, de la douceur du climat, de la musique locale, de l’intonation de la langue… Les souvenirs sensoriels. Ils ont souvent du mal à vraiment décrire avec des mots cette poésie personnelle et pourtant très vivante et vibrante.
D’autres exprimeront le manque de leurs traditions, de leurs valeurs… Leur communauté culturelle. Ce n’est pas facile pour des immigrants de vivre cette confrontation culturelle, le risque est grand d’adopter complètement la culture locale en perdant ainsi le contact avec leurs racines, alors que d’autres intensifient leur appartenance à leur culture d’origine comme une protection.
La nostalgie peut se réveiller au détour de plusieurs aspects comme des habitudes vestimentaires, une manière plus ou moins chaleureuse de communiquer, la tendance à toucher l’autre, le rapport au temps, etc. Ce contact avec les 2 cultures est un terrain d’échange pour les participants des groupes PANI, non seulement ils aiment échanger leurs souvenirs et leurs perceptions de leur pays d’origine, mais c’est aussi un bon moment d’aborder les différences au niveau des codes culturels, particulièrement ceux retrouvés en emploi au Québec.
Vous allez me dire, pourquoi gratter là où ça fait mal alors que vous mettez toute votre énergie pour vous adapter. Parce que, le sentiment de reconnecter avec ses racines donne la force pour se découvrir ailleurs. Oui, ce manque peut faire vivre de la souffrance, mais lorsqu’il est intégré dans un projet, l’immigrant arrive à intégrer le passé dans le présent et se sert de cela comme tremplin pour continuer de construire son identité, ses identités. La nostalgie permet de réunir et d’unir tous les morceaux d’une personne, sans elle l’immigrant risque de perdre ses propres souvenirs. Accepter la nostalgie donne en quelque sorte un espace pour la créativité, une vitalité qui pousse à se redéfinir et avancer.
Émilie Martin-Sanchez
Conseillère en développement de carrière