Si vous recherchez présentement du travail, vous avez sans doute déjà remarqué l’incroyable quantité de qualités professionnelles demandée dans les offres d’emploi. Certaines qualités sont plus en demande que d’autres. On pense entre autres au sens des responsabilités, à l’esprit d’initiative, à l’autonomie et à la flexibilité. Que nous apprennent ces qualités professionnelles sur l’état du marché du travail actuel? Voyons aujourd’hui le cas de la flexibilité.
Depuis les années 1980, le monde du travail s’est considérablement modifié. La mondialisation et le développement des nouvelles technologies de l’information et des communications ont entraîné ce que plusieurs appellent une véritable révolution managériale. Ces transformations obligent les entreprises et les travailleurs et les travailleuses à faire preuve de davantage de flexibilité.
Vous avez dit flexibilité?
Pour une entreprise, la flexibilité c’est :
- s’adapter à un marché continuellement en changement
- savoir réagir rapidement à des situations imprévues de façon à répondre aux demandes de plus en plus pressantes de ses clients
- pouvoir redéfinir les tâches de travail (dans certaines entreprises, il n’y a plus de postes définis. On s’appuie sur la polyvalence des employés)
- avoir la possibilité de modifier les formes d’emploi, de réviser les salaires et de réduire son personnel de façon à s’adapter aux fluctuations du marché
- avoir la capacité de modifier les horaires de travail en fonction de la demande
Pour les employés, être flexible peut vouloir dire :
- se montrer disponible en tout temps
- accepter de changer régulièrement de tâches, de postes ou d’emploi
- être polyvalent
- vivre dans l’incertitude
On peut donc dire que cette recherche de flexibilité a grandement contribué au développement du travail atypique.
Qualité recherchée : flexibilité. Y a-t-il un problème?
Cette recherche de flexibilité des entreprises a plusieurs conséquences importantes.
Sur le plan du marché du travail, on parle :
- d’augmentation du nombre de travailleurs atypiques. (Quand on parle de travail atypique, on parle de travail à temps partiel, de travail temporaire à durée déterminée (emploi saisonnier, temporaire, sur appel, occasionnel), de télétravail ou de travail à domicile et de travail autonome) Cette adaptation des coûts de main-d’œuvre selon les fluctuations du marché se fait soit en révisant les salaires, en réduisant le personnel régulier ou en recourant davantage à des travailleurs atypiques. Le recours aux employéEs d’agence de placement dont nous avons parlé dans notre dernier texte s’inscrit dans cette logique)
- d’une importante dégradation des conditions d’emploi. Les normes de protection accordées par les lois du travail ne protègent pas les travailleurs et travailleuses atypiques. On parle ici de 25% à 30% de la main-d’œuvre qui se trouve actuellement à l’extérieur du champ du droit du travail. La possibilité de syndicalisation est également affectée.
Si cette flexibilité procure une plus grande souplesse de fonctionnement et une plus grande capacité d’adaptation des entreprises aux besoins et fluctuations du marché, si elle est source d’économie, elle est également responsable d’une précarisation du travail et donc d’une augmentation de la pauvreté.
Du point de vue de la société, les conséquences du recours accru au travail atypique sont les suivantes :
- Montée des sources de tensions entre les travailleurs atypiques bénéficiant de conditions de travail moins avantageuses que les autres.
- Accroissement de l’écart entre les hommes et les femmes (les femmes occupant davantage des emplois atypiques que les hommes).
- Exacerbation des conflits intergénérationnels.
- Déplacement des charges sociales et pression sur les programmes sociaux. (En raison de la diminution des conditions de travail, il est probable que l’on assiste à une augmentation du nombre de bénéficiaires des programmes d’assistances publiques. Si les entreprises font des économies en évitant de cotiser à ces programmes, il en coûtera davantage à ceux qui ont un statut d’emploi plus classique)
Avec les différentes formes de flexibilité qui trouvent leur légitimation dans les impératifs économiques de productivités et de compétitivité des entreprises, c’est l’accès à un revenu et à la protection sociale pour les salariéEs qui semble remis en cause.
Finalement, les impacts de la flexibilité touchent également la sphère individuelle.
- Ils sont source d’insécurité et de stress.
- Ils affectent l’estime de soi.
- Ils affaiblissent la possibilité de faire des projets à long terme.
- Ils contribuent à l’augmentation du nombre de cas d’épuisement professionnel et de dépression.
- Ils s’attaquent à ce que l’individu a de plus intime, soit sa personnalité. (Aujourd’hui, on s’attend à ce qu’un travailleur ou une travailleuse développe des aptitudes qui dépassent largement le type de compétences traditionnelles que l’on développe dans le cadre d’une formation. On lui demande de transformer sa personnalité et de développer les capacités psychiques requises. Une personne qui ne possède pas naturellement le savoir-être à la mode (comme la capacité de se montrer flexible) doit travailler sur sa personnalité, sur ce qui était considéré, il n’y a pas si longtemps, comme faisant partie de son intégrité).
C’est donc dire que, de nos jours, la possibilité pour un individu d’obtenir un travail dépend de sa capacité à adapter ses comportements à l’esprit de l’entreprise, aux règles de conduite recherchées. Au nom de la flexibilité, tout peut être exigé des travailleurs et des travailleuses.
Dans un contexte de précarisation du travail, la recherche d’emploi peut être un moment stressant et angoissant.
Ne restez pas seul dans votre recherche. Venez nous rencontrer. Faire des démarches en groupe est une bonne façon de briser l’isolement.
Quelles sont vos principales compétences? Avez-vous régulièrement changé de tâches dans votre entreprise?
Émilie Laurin Dansereau
Conseillère en employabilité