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Les 2 et 3 novembre derniers, plus de 1300 organismes communautaires étaient en grève sociale. Le CREMCV s’est joint au mouvement à sa façon. Avant d’aller manifester en face des bureaux du gouvernement Couillard, nous avons discuté avec nos participants des impacts de l’austérité sur les organismes en employabilité et sur la qualité des emplois disponibles, en général.
L’emploi, une priorité pour le gouvernement libéral. Vraiment?
Les diverses mesures d’austérité mises en place par le gouvernement libéral affectent les organismes en employabilité de multiples façons :
- Diminution de l’offre de services: bien des organismes ont dû abolir certains de leurs services. Par exemple, on ne trouve plus d’organismes à Montréal pouvant accompagner une personne dans la simple rédaction de son CV (ce qu’on appelait service « à la carte »). Il est plus difficile d’obtenir une référence d’un agent d’Emploi Québec pour des services d’orientation gratuits. Les formations payées par Emploi Québec sont de moins en moins accessibles bien qu’on sache que la formation est un élément fondamental pour permettre à un travailleur ou une travailleuse de progresser sur le marché du travail.
- Difficulté d’obtenir des services pour certains groupes de population Les personnes en emploi, les travailleurs et travailleuses à statut précaire ou à faible revenu sont de moins en moins admissibles à des services d’employabilité. Dans de nombreux endroits, il faut absolument être bénéficiaire de l’aide sociale ou prestataire de l’assurance-chômage pour recevoir des services d’aide à la recherche d’emploi. Cette situation maintient de nombreuses personnes dans la pauvreté en rendant plus difficile l’accompagnement dans la recherche d’un emploi offrant de meilleures conditions de travail.
- Augmentation de la pression pour l’atteinte des cibles. Les organismes en employabilité ont des cibles (nombre de personnes inscrites) à atteindre. Avec les mesures d’austérité, le gouvernement annonce que tout organisme n’atteignant pas ses cibles verra ses subventions coupées. Cette situation entraine beaucoup de stress à l’intérieur des équipes de travail. Elle oblige également les directions d’organisme à justifier leur travail, temps qui, normalement, est consacré au développement et à l’amélioration des services aux membres. Elle augmente également la concurrence entre les organismes ce qui affecte directement la qualité des services offerts aux chercheurs et chercheuses d’emploi.
- Refus de reconnaitre le rôle des organismes en employabilité dans son ensemble. Pour Emploi Québec, un résultat positif, c’est lorsqu’un participant ou une participante trouve un emploi, s’inscrit dans une formation ou une autre mesure d’employabilité. Le type d’emploi trouvé n’a pas d’importance. Ceci constitue une atteinte fondamentale à notre mission. Nous voulons que les participants et participantes trouvent des emplois en lien avec leur objectif professionnel, rétribué à un salaire équitable, leur permettant de se réaliser en terme d’estime de soi et leur apportant une reconnaissance sociale. Pour le CREMCV, le rôle de l’employabilité est beaucoup plus vaste que les résultats attendus par Emploi Québec. Les conseillers et conseillères font un important travail d’écoute. Leurs actions ont un impact sur l’estime de soi, sur la confiance et le développement des capacités des individus, tout en leur permettant de sortir de l’isolement.
Dans les faits, avec les coupures, c’est carrément notre mission de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale qui est en péril.
Quand travailler ne permet plus de sortir de la pauvreté
Les mesures d’austérité affectent également le marché du travail et la qualité des emplois qui y sont offerts. Certains impacts sont majeurs. Nous en nommerons deux. Il s’agit de la:
- diminution de l’accès à des emplois de qualité. Quand on parle d’un emploi de qualité, on parle d’un emploi qui assure la santé et la sécurité, qui offre un salaire décent et un nombre d’heures de travail suffisant ainsi que l’accès à une formation qualifiante. Aujourd’hui, travailler ne permet plus nécessairement de sortir de la pauvreté. 50% des gens qui ont recours aux banques alimentaires ont un emploi. Une personne qui travaille à temps plein au salaire minimum gagne moins de 20 000$ annuellement, ce qui est insuffisant pour dépasser le seuil de la pauvreté. L’austérité entraine bien souvent une dégradation des conditions de travail des travailleurs et travailleuses augmentant du même coup leur vulnérabilité économique.
- précarisation du travail. L’augmentation des emplois à temps partiel, du travail temporaire et du travail autonome non désiré crée beaucoup d’insécurité et de stress chez les travailleurs et les travailleuses ce qui augmente les risques de maladie. L’austérité n’est pas directement la cause de cette situation qui s’explique plutôt par une demande accrue de flexibilité. Toutefois, l’austérité ajoute une épaisse couche d’insécurité. En coupant les services en matière de soutien social, de santé, d’éducation et de services sociaux, le gouvernement augmente la vulnérabilité des personnes, en ne compensant plus les manques du marché du travail. En devant payer pour des services auparavant gratuits, les travailleurs et les travailleuses subissent davantage les conséquences de cette précarisation du travail. Nous dénonçons cette situation. Pour les employées du CREMCV, les gens qui travaillent devraient être en mesure de vivre de façon décente, de se réaliser dans leur travail, pour ainsi contribuer à l’économie et à la société. Nous croyons profondément que l’emploi est un facteur d’inclusion et d’insertion sociale. Toutefois, le travail doit aussi signifier l’amélioration durable des conditions de vie des gens.
Si l’emploi ne procure pas de conditions de travail décentes, peut-on vraiment dire que la situation d’une personne en précarité économique s’est amélioré?
Si l’équipe du CREMCV a décidé de participer à la manifestation du 3 novembre, c’est pour dénoncer les menaces qui planent sur les organismes en employabilité. Mais c’est surtout par solidarité envers les personnes pour qui et avec qui nous travaillons.
Pour en savoir plus sur l’origine et les revendications du mouvement de grève sociale des organismes communautaires du Québec, je vous invite à visionner ce court vidéo.
Émilie Laurin-Dansereau, Conseillère en employabilité