Dernièrement, un participant qui avait obtenu un poste d’ingénieur industriel pendant les trois semaines de la formation Club de recherche d’emploi m’a appelée pour me dire qu’il n’avait jamais commencé à travailler, son employeur jugeant, examen médical pré embauche à l’appui, qu’il n’avait pas la condition physique nécessaire à l’emploi.
Cette situation soulève une importante question : un employeur peut-il, dans le cadre d’un processus d’embauche, exiger un examen médical et s’en servir pour sélectionner le meilleur candidat ?
Pas si simple d’y répondre. C’est que plusieurs droits s’affrontent ici. Du côté de l’employeur, on parle de son droit à obtenir des informations en vue de faire un choix éclairé. Du côté du candidat, au moins 4 droits sont en cause : droit à l’intégrité, droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation, droit au respect de sa vie privée et finalement droit au respect du secret professionnel. Se mêle également à ça le risque de discrimination, les questions concernant l’état de santé d’un candidat étant englobées dans le motif handicap énuméré à l’article 10 de la Charte des droits et libertés.
Lequel l’emporte ? Essayons ensemble d’y voir plus clair…
S’il est entendu qu’un employeur a le droit d’obtenir les informations nécessaires pour lui permettre de vérifier qu’un candidat peut exécuter ses tâches de travail sans empêchement physique, il est également reconnu qu’il y a une limite aux questions qu’il peut poser. En effet, pour déterminer les informations à obtenir lors de l’examen médical, l’employeur devra se baser sur la nature de l’emploi convoité et des tâches à accomplir. Une entreprise ne pourra donc pas utiliser le même questionnaire pour tous les types d’emploi.
De plus, l’employeur ne peut poser aucune question concernant les maladies ou handicaps qui n’empêchent pas une personne de faire le travail pour lequel elle postule. Ces aspects de sa condition médicale sont considérés comme un champ réservé à sa vie privée.
Autrement dit, un employeur peut imposer des exigences par rapport aux aptitudes requises pour un poste. Toutefois, ces exigences doivent être raisonnables et avoir un lien rationnel avec l’emploi. La Loi sur la protection des renseignements personnels et le Code civil du Québec sont très clairs à ce sujet : seuls les renseignements nécessaires peuvent être collectés. Par conséquent, la cueillette de l’information médicale ne doit pas être utilisée pour embaucher seulement le candidat en parfaite santé et qui représente le moins de risque d’absentéisme ou la personne qui risque de recourir le moins souvent aux bénéfices de l’assurance maladie. À noter également que c’est à l’employeur que revient la tâche de démontrer le lien entre les renseignements médicaux demandés et les qualités ou aptitudes requises pour le poste.
Un employeur ne peut exiger, lors du processus d’embauche, une copie de votre dossier médical. Par contre, il peut évaluer vos aptitudes physiques et psychologiques à accomplir le travail en vous demandant de vous soumettre à un examen médical.
L’examen médical préalable à l’emploi doit être fait par un médecin et se limiter à ce qui peut avoir des effets sur votre futur travail. Retenez bien que l’employeur ne peut pas exiger un bilan de santé complet. Le médecin vérifiera seulement si vous avez des ennuis médicaux qui pourraient causer des problèmes dans votre travail. Le dossier médical étant un document confidentiel, le médecin ne pourra pas le remettre à l’employeur. Il devra se contenter de lui indiquer si oui ou non vous avez les capacités physiques requises pour exécuter les tâches qui vous seront assignées. Dans ce contexte, le médecin ne doit pas fournir de diagnostic à l’entreprise, mais plutôt des recommandations pour l’aider à prendre une décision concernant votre capacité à exercer un emploi en particulier.
La Commission des droits de la personne recommande certains principes directeurs qui devraient être respectés par les employeurs. Par exemple, l’employeur qui exclut un candidat sur la base d’un examen médical pré embauche devrait être en mesure de démontrer que l’exclusion est rationnelle parce que le risque est inacceptable. Autrement dit, ses décisions doivent reposer sur des données objectives, scientifiques, statistiques et médicales sérieuses et non sur des perceptions ou des impressions. Les questions posées ne doivent pas être ouvertes ni trop générales de manière à limiter les informations que le candidat devra fournir.
De plus, le questionnaire ne doit pas être établi en fonction de critères ou de normes plus sévères que ce qui est nécessaire pour le poste. Les exigences du questionnaire ne devraient pas avoir comme effet d’exclure des candidats aptes à faire le travail qui pourraient avoir besoin de mesures d’accommodements raisonnables. Les questions concernant de possibles demandes d’accommodement ne devraient même pas figurer dans le questionnaire.
Si vous pensez avoir été exclu d’un processus d’embauche injustement, à cause de votre examen médical pré embauche, n’hésitez pas à contacter la Commission des droits de la personne du Québec. En cas de doute, appelez-les, leurs services sont gratuits!
Il reste encore deux étapes à notre grand voyage au cœur des enquêtes pré embauche. Prochaine destination : les tests psychologiques. C’est un rendez-vous!
Émilie Laurin Dansereau
Consultante en employabilité